20070928

Iran : qui veut la guerre et pourquoi

D'éminents leaders de la communauté internationale veulent voir l'Iran entrer en guerre avec Israël à n'importe quel prix et sous n'importe quel motif, mais pas n'importe quand : alors que cette guerre présente tous les risques et que rien ne justifie l'urgence et la précipitation, ils mettent tout en oeuvre pour qu'elle éclate avant la fin du second (et théoriquement dernier) mandat de George W. Bush. Après avoir longtemps rêvé de la déclencher avant la fin de l'année, ils semblent aujourd'hui résignés à attendre le printemps prochain.

Ne cherchez pas d'explication rationnelle à cette guerre, il n'y en a pas.

Comme pour l'Irak, la question des Armes de Destruction Massive n'est qu'un prétexte et ne présente aucune importance dans la motivation. Comme pour l'Irak, il ne s'agit pas non plus d'un projet néoconservateur de promotion de la démocratie par le renversement d'un dangereux dictateur. Comme pour l'Irak, l'argent et le pétrole ne constituent même pas le coeur du projet.

Sans surprise, on observe les mêmes phénomènes à l'approche du conflit : une opinion publique américaine manipulée par des Armes de Désinformation Massive présentant le pays comme un Empire du Mal gouverné par un "Nouvel Hitler", Dick Cheney travaillant sur des scénarios de type "false flag" pour "provoquer une provocation" et justifier le déclenchement des combats, des faucons fabricant des "preuves" irréfutables (mais réfutées par la communauté des renseignements) de trafics illégaux de matières radioactives via des pays au ban des nations (1), un danger d'holocauste nucléaire "clair et immédiat" selon les spin doctors, incertain et à horizon cinq à huit ans au plus tôt selon l'organisme d'inspection international... et naturellement les mêmes avertissements des experts en géopolitique : attention à cette guerre, elle présente tous les risques, il serait suicidaire d'agir dans la précipitation, et il est contre-productif de jeter de l'huile sur le feu - une telle guerre constituerait une erreur stratégique majeure, une tragédie pour l'Iran et son peuple comme pour l'avenir de la démocratie dans la région, un désastre pour la lutte contre le terrorisme international, et au contraire un coup de pouce décisif pour les fondamentalistes de tous poils et pour les ennemis de la démocratie partout dans le monde.

Comme pour l'Irak, la catastrophe annoncée aura lieu parce qu'il ne s'agira pas d'une erreur stratégique mais bien d'un choix délibéré, en connaissance de cause, par des fondamentalistes en faveur du fondamentalisme, par des fascistes en faveur du fascisme, par des promoteurs de la haîne et du climat de terreur en faveur de la haîne et du climat de terreur.

Comme pour l'Irak, la guerre de l'Iran est une guerre de religion. Pas un choc de civilisation entre Orient et Occident mais une guerre menée par les fondamentalistes d'orient contre les modérés d'orient et par les fondamentalistes d'occident contre les modérés d'occident. Ceux qui souhaitent le plus ardemment le conflit sont bien des fondamentalistes, et parmi les plus illuminés : des Islamistes persuadés que le conflit va provoquer le retour du Mahdi, des fondamentalistes Chrétiens convaincus qu'il entraînera la seconde venue du Christ. Leurs prophécies délirantes se rejoignent dans un scénario apocalyptique où le conflit final entre Israël et l'Iran débouche sur le Jugement Dernier et le règne ultime de Dieu. Pas le Dieu d'amour et de respect défendu par les grandes religions monothéistes, mais une caricature conçue par les esprits dérangés d'une minorité de fanatiques traditionnellement cantonnée dans l'underground religieux et depuis le 11 septembre 2001 plus présente que jamais dans les médias et les plus hautes sphères du pouvoir en Iran comme aux Etats-Unis et en Israël (2).

A la différence de l'Irak, cette farce tragique ne débouchera pas "que" sur quelques centaines de milliers de morts inutiles : un conflit entre Iran et Israël ne pourrait qu'entraîner des centaines de millions de victimes.

Confortablement vautrés dans leur canapé, John et Jane Smith observent sur leur petit écran des fous furieux jouer le rôle de leaders responsables agissant au service des peuples qui les ont porté au pouvoir : Ahmadinejad et Bush font la même prière et appellent de leurs voeux le même bain de sang pour des raisons similaires.

John et Jane Smith se plaignent de la façon dont Bush gère la guerre en Irak mais n'hésiteront pas à le suivre dans une nouvelle croisade mille fois plus suicidaire et meurtrière : leur révérend leur a dressé un portraît saisissant du grand satan perse dans un prêche très mobilisateur.

John et Jane Smith, horrifiés devant le spectacle d'un Président ayant une affaire avec une interne à la Maison Blanche, ne bronchent pas quand leur Président insulte régulièrement toutes les valeurs qui ont fait des Etats-Unis une démocratie modèle dans le passé. Il ne leur viendrait pas à l'esprit d'exiger une procédure de double impeachment contre le Président et le Vice Président de la propagande éhontée, des témoignages mensongers, des preuves fabriquées, des enlèvements illégaux, de la suppression de droits et du déni permanent de justice, du refus des conventions internationales et même de la torture officialisée.

John et Jane Smith ont le sort du monde entre leurs mains... mais ils ne les occupent qu'avec leur télécommande et leur bol de pop corn en attendant avec impatience les premières images du prochain feu d'artifice.

(1) un cas de transfert de technologie nucléraire volontaire à l'Iran a toutefois été prouvé, et le pays paria n'est autre que... les Etats-Unis. Dans une prétendue opération de désinformation, de faux secrets scientifiques ont été communiqués à des chercheurs Iraniens qui loin d'être entraînés sur de fausses pistes, ont au contraire gagné du temps.




(2) cf "En finir avec le fondamentalisme" (20070627)

20070925

La Faillite nous voilà

François Fillon a lâché un gros mot : "faillite". De quoi parle-t-on au juste ?

La France ne connait l’état de sa dette que depuis à peine un an... cela donne une petite idée de la façon dont le pays est géré.

L’équation est pourtant simple: d’un côté l’explosion des dépenses fonctionnelles, structurelles, et de l’autre la stagnation des recettes, une diversification qui ne s’opère que dans le sens de la multiplication des sources de taxation en aval sans chercher à multiplier les sources de richesses en amont.

Et tout au long de ces décennies, du pilotage à la petite semaine, l’accumulation de rustines par strates inutiles, ce qui fait que l’on glose des heures sur la couleur du prochain sparadrap sans se demander ce qu’il vient faire sur ce plâtre masquant une cautère sur une jambe de bois que les termites ont déjà bouffé depuis des lustres.

La véritable faillite, c’est l’absence de stratégie sur le long terme, l’absence de vision stratégique tout court.

Pour autant, l'heure n'est plus aux conducteurs de poids lourds type plans quinquennaux mais à un pilotage plus souple et agile, adapté à un environnement changeant.

Toute la difficulté, c'est de fixer des yeux une route semée d'embûches tout en gardant le cap sur le long terme et le regard dans le rétro pour éviter de faire deux fois les mêmes erreurs. Cela suppose une forme d'intelligence complexe, en réseau.

Le papillonnage hyperprésidentiel évoque plutôt le moustique qui finira scotché contre un phare ou vaporisé sur le radiateur.

20070918

Kouchner souhaite "le pire"

La diplomatie française est morte hier en direct sur LCI. Bernard Kouchner n'a pas sorti la bourde de trop mais la preuve ultime : Nicolas Sarkozy a bien pris le témoin des mains de George W. Bush l'été dernier* et s'est même proposé pour mener la fronde supposée déboucher sur la guerre de ses rêves**.

Le temps presse pour les faucons : il s'agit d'empêcher le retour des modérés au pouvoir en Occident, et si possible de sauver le soldat Bush en lui donnant un successeur belliciste.

Mais quand bien même ce conflit entre Iran et Israël venait à échouer, la France est d'ores et déjà menacée. Et c'est d'ailleurs l'objectif recherché : renforcer les tensions internes et externes, exacerber les haines, redonner un coup de pouce aux fondamentalistes Chrétiens, Juifs et Musulmans.

Attendons-nous au pire oui, mais d'abord et avant tout sur notre territoire.


* cf "
Burger Kings a l'heure de la priere " (20070814)
** cf "
Jesus vs Mahdi" Prophecy - Red blogule to Bush-Cheney's war on Iran" (20070122)

20070905

En finir avec l'Intelligent Design

L'imposture de l'I.D. se nourrit de confusion et à l'heure de la multiplication d'articles - écrans de fumée, quelques rappels salutaires s'imposent :
1 - les Créationnismes et l’Intelligent Design sont des fondamentalismes
2 - le débat I.D. – évolution est un leurre : la véritable question posée à la société est « démocratie ou théocratie ? », et pour les croyants « voulez-vous continuer à vivre votre foi comme vous l’entendez ou préférez-vous le retour au fondamentalisme religieux » ?
3 - la démocratie, mais aussi les grandes religions sont en danger – nous devons réagir avec fermeté et confiance pour exposer ces dangereuses impostures

***

1) Les Créationnismes et l'Intelligent Design sont des fondamentalismes


Le mystère de la foi échappe à la science et réciproquement. Pour une bonne raison : les démarches ne relèvent pas du même domaine, et à chaque fois que l’un cherche à s’accaparer l’autre, cela se termine mal pour la démocratie.

Pourtant, certains fanatiques souhaitent le retour au Moyen-Age, à cette époque des croisades où la foi n’était pas une démarche personnelle libre et sincère mais une caricature imposée par des fondamentalistes dans un climat de terreur.

Une fois de plus (1), le fondamentalisme n’a rien à voir avec la religion (l’alibi) mais tout à voir avec la politique (l’objectif) : il vise à soumettre l'ensemble de la société à une vision monolithique et à des principes stricts. Dans ce contexte et comme tout contre-pouvoir potentiel, la science ne peut exister en-dehors de la religion (ou plutôt en dehors d’une idéologie caricaturant la religion). Si cette vision simpliste était communément acceptée par des peuples maintenus dans l’ignorance pendant les périodes noires de l'obscurantisme, elle ne peut évidemment pas s'imposer du jour au lendemain dans une société moderne.

C’est pourquoi les Créationnistes ont dû « évoluer » (!) pour survivre. Et après plus d’un siècle de profil bas, le néo-Créationnisme marque leur retour à des ambitions plus conquérantes, à travers des initiatives nettement plus subtiles et progressives comme l’Intelligent Design.

Initialement, le terme de créationnisme couvre l'ensemble des thèses expliquant pour une religion donnée la création de l’univers par un ou plusieurs dieux. Les Créationnistes se distinguent de la masse des authentiques croyants (en un Dieu créateur) par leur volonté d’imposer leur vision à l’ensemble de la société, et en particulier d’inféoder la science à leur idéologie politique.

La question de la création est en tous points fondamentale dans une vision du monde, et pour l’immense majorité des croyants, la croyance en un Dieu créateur donne un sens à la vie. Mais elle relève du mystère de la foi alors que pour les Créationnistes au contraire, elle s’inscrit au socle de leur programme politique, au fondement d’une doctrine radicale sensée leur conférer tous les pouvoirs sur la société.

On retrouve ces mouvements fondamentalistes dans les trois grandes religions monothéistes, avec les mêmes moyens prétendûment scientifiques (la promotion d’une idéologie révisionniste) et les mêmes fins politiques (l’établissement - ou le rétablissement suivant les pays - d’une théocratie).

Les Créationnistes ne se privent pas de jouer sur les mots dans leur ligne de défense, dans le style si vous critiquez nos thèses, vous vous attaquez à la foi de milliards de croyants. Or c'est exactement l'inverse qui se produit : la foi authentique de milliards de croyants est menacée par le retour en force du Créationnisme.

Ces mouvements fondamentalistes connaissent un spectaculaire regain à travers le monde ces dernières années, en particulier aux Etats-Unis, où les fondamentalistes chrétiens ont spécifiquement conçu l'Intelligent Design pour miner les fondements de la démocratie que sont la science, l'éducation, le débat politique, la justice, l'information... tous les lieux où doit s'épanouir l'intelligence et la liberté de jugement, les pires ennemis de leur propagande.

Ce programme ambitieux semble impossible à réaliser dans une société moderne surinformée, mais comme tous les autres fondamentalistes, les Créationnistes ont su parfaitement exploiter le foisonnement des moyens de communication et en particulier internet.

Sachant pertinement qu’ils ne pourront pas imposer leurs idées tout de go, ces fondamentalistes ont mis au point une stratégie en plusieurs étapes.

La première étape consiste à réintroduire insidieusement la religion dans le débat scientifique. Elle en avait logiquement été chassée puisque la foi n'a rien à voir avec la démarche scientifique, ce qui n'empêche évidemment pas de très grands scientifiques d'être par ailleurs d'authentiques et remarquables hommes de foi.

Réintroduire la religion au coeur du débat scientifique, c'est la principale mission de l'Intelligent Design ; la plus remarquable imposture intellectuelle des dernières années.


2) Le débat Intelligent Design - évolution est un leurre ; la véritable question posée à la société est « démocratie ou théocratie ? » et pour les croyants « souhaitez-vous continuer à vivre votre foi comme vous l’entendez ou préférez-vous le retour au fondamentalisme religieux ? »


Le néo-Créationnisme est né de l'échec des Créationnismes classiques. Ces lectures simplistes des écritures faisaient par exemple remonter la création du monde à quelques millénaires ; elles ont été totalement discréditées par les avancées de la science, en particulier au XIXème siècle où elles virent même un contre-courant fondamentaliste se créer en réaction sur la base d’une vision utopique, le scientisme, où la science en venait à contrôler la société toute entière, jusque dans la religion.

Le coup de grâce fut porté par Darwin, dont la théorie de l'évolution taillait en pièces les dogmes archaïques des Créationnistes concernant la vie sur terre.

Après des siècles de lutte pour récupérer leur position dominante du Moyen-Age, les Créationnistes voyaient la science leur échapper pour de bon. Totalement décrédibilisés, ils essayaient bien de revenir sous une forme ou une autre, mais les prétendues "sciences créationnistes" se voyaient toutes logiquement qualifier d'idéologies religieuses. Aux Etats-Unis, la Cour Suprême interdit tout aussi logiquement leur enseignement dans les écoles puisque l'Etat n'a pas le droit d'aider les religions (cf Establishment Clause dans le Premier Amendement de la Constitution US).

La seule solution pour les Créationnistes, c'était de revoir la copie, d’essayer de faire passer leur idéologie pour une forme de science moderne en l’édulcorant et en la maquillant. Impossible de revenir à la charge au troisième millénaire avec les arguments du premier !

Ces fondamentalistes ont ainsi conçu l'Intelligent Design (I.D.) et ses avatars comme un coin que l'on enfonce dans un bloc difficile à faire bouger afin de le faire éclater. De façon assez significative, le think tank à la base du mouvement, The Discovery Institute, a résumé sa stratégie de succès politique et social dans un document interne (2) appelé "The Wedge" ("le coin"). On peut parler de plan d'action marketing très abouti et pour le moins cynique. Ce mode d'emploi présente des objectifs à court, moyen et long terme très clairs, avec le triomphe de l'idéologie créationniste comme préalable au succès du fondamentalisme chrétien.

Preuve que les fins comptent plus que les moyens, ce programme politique indique comment faire une révolution dans la science avant même d’avoir la matière scientifique à la base de la révolution. Pour la bonne et simple raison que cette matière scientifique n’existe pas et que les « preuves scientifiques » devront être fabriquées de toutes pièces.

Propagande, lobbying et campagnes de désinformation… c'est du guerrilla marketing avec dans le rôle de l’adversaire à liquider une science noyée dans la confusion et les controverses artificielles, et une cible à abattre en priorité toute trouvée : Darwin et sa théorie de l'évolution.

S'attaquer à Darwin, c'est bien sûr prendre la revanche sur les siècles précédents, mais aussi rechercher la visibilité maximale : personne ne comprend rien à Einstein mais tout le monde comprend les principes de l'évolution dans ses grandes lignes. Une théorie qui rivaliserait avec celle-ci gagnerait sérieusement en crédibilité.

La première victoire de l'I.D. (et le premier volet de leur stratégie du Wedge) est de réussir à ouvrir une discussion sur le sujet dans un cadre scientifique ou apparenté, d'ouvrir l’illusion d’un débat qui mette sur le même plan la foi et la science. Il va de soi que la réflexion entre la raison et la foi mérite l'attention et passionne à juste titre les philosophes, mais une telle réflexion ne peut pas par définition s'inscrire dans la démarche scientifique.

Toute l'imposture de l'I.D. repose sur la confusion et le mélange des genres entre foi et science : faire passer des postulats de foi pour des démarches scientifiques, employer des registres de vocabulaire et des codes propres au domaine scientifique, faire parler de prétendus experts, mettre sur le même plan les doutes inhérents à la science (toute théorie peut être remise en cause à tout moment) et ceux inhérents à la foi (impossible de prouver que Dieu existe ou n’existe pas).

Les partisans de l’I.D. tiennent un double discours en interne et en externe : ils disent que la religion n’a rien à voir avec leur démarche et la bannissent de leur argumentaire, mais la placent au coeur de leur stratégie, de leurs documents et briefings à usage interne. Sur le fond, l’I.D. parle de Dieu sans le nommer : tout est pensé par une intelligence supérieure, planifié par un « designer ». La justice américaine a confirmé que cette doctrine relevait de la religion et non de la science (cas Kitzmiller contre Dover Area School en 2005), mais le lobbying créationniste ne relache pas la prise pour autant. Il bénéficie du soutien sans faille d’un fondamentaliste Chrétien de poids, George W Bush, et avec lui, la Cour Suprême peut basculer à tout instant suivant la santé de ses membres…

L’Intelligent Design est une insulte à l’intelligence et à la science, et évoque des preuves scientifiques qui n’en sont pas. Une fois dépouillé du verbiage pseudo scientifique, le discours de l'I.D. revient à dire « selon moi c'est Dieu qui a fait cela, prouvez-moi que j'ai tort ». Evidemment, la science ne peut pas apporter de preuve et surtout, ce débat ne relève pas de la science mais de la foi.

Les scientifiques étant incapables de répondre clairement à une question qui ne relève pas de leurs compétences, leur discours parait soudain moins cohérent, puis la confusion alimente la confusion et l’I.D. gagne du terrain, noyaute les milieux scientifiques et politiques (3), s’invite dans les media (cf innombrables « publications » sur le web, ou plus grave encore : diffusion controversée par Arte en octobre 2005 d’une émission sur les pseudos travaux scientifiques de la néo-créationniste Anne Dambricourt Malassé), cherche par tous les moyens à s’inviter dans les écoles (avec le soutien de Bush aux Etats-Unis, d’élus ultraconservateurs en Europe...)…

Il n'y a pas de controverse, et il ne peut y avoir de débat entre Intelligent Design et Darwinisme (le leurre proposé par les fondamentalistes pour semer la confusion) : le vrai débat se situe entre démocratie et théocratie pour la société, entre une foi moderne et libre et un retour au fondamentalisme pour les croyants.

Rentrer dans le débat entre I.D. et évolution, c’est accepter les termes imposés par les Créationnistes. Ce faux débat est un leurre et une fois que les masques tombent, la réalité saute aux yeux : ces fondamentalistes essayent de nous faire abandonner une séparation des genres au fondement même de la démocratie. Accepter des fondamentalistes que la religion soit à la source de la science, à la base de l’éducation, cela revient à accepter que le pouvoir temporel revienne à ces imposteurs de la religion.

Et une fois de plus, les véritables attaques contre la religion ne sont pas portées par les adversaires de l’I.D. mais par ses promoteurs, qui détaillent clairement comment ils doivent retourner l’opinion en commençant par leur « base naturelle », les Chrétiens, en les faisant basculer du modernisme vers l’obscurantisme. C’est bien un retour au Moyen-Age que proposent ces fanatiques. Un objectif partagé avec les créationnistes Islamistes qui ont récemment diffusé des ouvrages révisionnistes en Turquie et même en France (Atlas de la Création).


3) La démocratie, mais aussi les grandes religions sont en danger – nous devons réagir avec fermeté et confiance pour exposer ces dangereuses impostures


La volonté des Créationnistes est claire : établir une théocratie et balayer les fondements de la démocratie à commencer par la science et l’éducation.

Ce travail de fond s’avère plus facile dans des pays où la masse des croyants est plus facilement manipulable, où les thèses créationnistes bénéficient d’un bassin existant conséquent. C’est le cas dans certains pays restés dans une culture quasi féodale au Moyen-Orient, mais aussi dans une grande démocratie pour le moins tolérante envers les mouvements fondamentalistes et sectaires : les Etats-Unis.

Le basculement vers le fondamentalisme ne s’opère pas du jour au lendemain et les stratèges néo-créationnistes prévoient clairement plusieurs étapes. Inutile d’être un as du marketing pour comprendre qu’ils ont valeur à jouer en priorité sur la masse des fidèles, même si elle est a priori modérée et réfractaire à des idées radicales. Convaincre les premiers pourcents de « part de marché » fournit déjà une base conséquente, et les effets réseau facilitent l’accélération des mouvements, la démultiplication des efforts. D’autant que les convertis récents s’avèrent généralement d’excellents prosélytes.

La menace se mesure moins à la taille du coeur des fondamentalistes convaincus qu’à la taille de ce que j’appelle « l’antichambre du fondamentalisme » ; cet espace diffus où le fidèle n’est pas encore mûr pour accepter les thèses les plus radicales, mais déjà à l’aise avec ces thèses édulcorées qui l’éloignent de la démocratie, de la raison et de la modération.

Car adhérer aux thèses de l’I.D. c’est déjà abandonner l’exigence de rationnalité, mettre en doute l’enseignement auquel on a eu droit, la science et ses déclinaisons au quotidien, se rapprocher de groupes paraissant détenir « une vérité que l’on nous cache », en opposition avec « les pouvoirs établis » qui cherchent à « éviter le vrai débat »… Adhérer aux thèses de l’I.D., c’est prendre ses distances avec les propositions à la base même de la démocratie, de la science, de l’éducation…

Et quand elles entendent ces imposteurs auxquels elles font confiance se dire attaqués dans leur foi, les victimes de la manipulation se braquent et basculent plus facilement vers leurs thèses plus radicales et vers l’engagement politique.

La percée des néo-créationnistes aux Etats-Unis ne fait aucun doute : le fondamentalisme Chrétien a gagné un terrain spectaculaire à travers l’ensemble du territoire, 38% des Américains souhaitent l’abandon de l’enseignement des théories de l’évolution, et Bush milite pour que l’I.D. soit enseigné à égalité avec elles.

Leur progression en Europe et ses dangers pour la démocratie ont été dénoncés par Guy Lengagne dans un rapport scandaleusement censuré in extremis au Conseil de l’Europe par l’ultraconservateur Luc van den Brande (4). Lengagne avait le malheur de dénoncer entre autres la percée du révisionnisme au plus haut niveau du pouvoir politique, avec des attaques portées par la ministre italienne de l’enseignement et de la recherche en 2004, la ministre néerlandaise de l’éducation en 2005, le vice-ministre polonais de l’éducation en 2006...

Mais la démocratie n’est pas la seule à être menacée par ces infiltrations. Les fondamentalistes cherchent rappelons-le à faire basculer en priorité les masses de fidèles modérés, et les grandes religions sont gangrénées par des créationnistes de plus en plus influents.

Difficile de ne pas être troublé par le double jeu du Pape Benoît XVI : sa réhabilitation des intégristes a certes calmé les esprits mais aussi brusquement légitimé et gonflé la « part de marché » des créationnistes au sein de l’Eglise, et son discours de Ratisbonne a certes prôné le dialogue des religions, mais surtout encouragé sur le fond les initiatives néo-créationnistes en demandant le retour du religieux au coeur de l’université, de la foi au coeur de la raison (5). Son comportement trouble de nombreux théologiens au sein de l’Eglise, qui redoutent un retour à des pages noires de l’Histoire.

Les néo-créationnistes font donc avancer leurs pions en Europe à la fois dans les cercles religieux et dans les cercles politiques. Ils ont beau jeu d’agiter le spectre des ayatollahs de la Laïcité à un public crédule et d’opposer croyants et athées : ces fondamentalistes souhaitent contrôler les uns tout autant que les autres.

Au lieu de rentrer dans le jeu des fondamentalistes, c’est au contraire ensemble que les défenseurs de la démocratie et de la liberté de culte doivent se défendre face à ces ennemis communs : il est temps de dénoncer les impostures, les écrans de fumée et les faux débats imposés par les Créationnistes et l’Intelligent Design. Il est temps de reformuler les véritables questions qu’ils nous posent en tant que société (êtes vous pour la démocratie ou pour un retour à la théocratie ?) et en tant que croyants (souhaitez-vous continuer à vivre votre foi comme vous l’entendez ou préférez-vous un retour au fondamentalisme religieux ?).

J’invite naturellement les media à la plus grande circonspection : le respect de la liberté d’expression signifie aussi la dénonciation d’idéologies qui ne respectent pas la liberté de penser.

Et j’invite tout un chacun à faire tomber les masques dès que l’occasion se présente, en toute transparence. Lorsque je vois ou j’entends quelqu’un diffuser les thèses de l’Intelligent Design directement ou en ajoutant à la confusion par une comparaison maladroite, je lui demande s’il s’est bien renseigné sur ce mouvement, s’il sait quel est l’objectif recherché par ses promoteurs, et s’il souhaite continuer à contribuer à leur stratégie.

En général, la réponse est « non bien sûr, j’ignorais ce qu’il y avait derrière, je ne savais pas ».

Nous n’avons plus le droit de laisser les ennemis de la démocratie l’emporter parce que « nous ne savions pas ».

La connaissance doit une fois de plus l’emporter sur l’obscurantisme.

Et chacune à son niveau, la raison authentique et la foi authentique doivent dénoncer ces imposteurs qui souhaitent leur perte.

***


(1) précédents manifestes contre le fondamentalisme : « En finir avec le fondamentalisme » (
http://blogules.blogspot.com/2007/06/en-finir-avec-le-fondamentalisme.html ) et « Universal Declaration of Independence from Fundamentalism » (http://e-blogules.blogspot.com/2007/08/universal-declaration-of-independence.html )
(2) document à usage interne, mais désormais connu grâce au web (
http://en.wikipedia.org/wiki/Wedge_strategy ). Il suffit généralement de faire lire ce document aux sceptiques pour les convaincre de l'imposture... à moins qu'ils ne soient vraiment de mauvaise foi !
(3) cf « Lucy et l’obscurantisme » de Pascal Picq
(4) cf sur Agoravox « Les créationnistes poussent le temple de la démocratie européenne à la censure » (
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=26274 ) Daniel Riot (20070627), ou encore «Le créationnisme s’étend en Europe » par Jean Etienne, Guy Lengagne et Daniel Riot (20070817) – et plus modestement mon coup de gueule contre van den Brande : http://e-blogules.blogspot.com/2007/06/red-blogule-to-luc-van-den-brande.html
(5) la polémique relative à ce fameux discours n’étant elle-aussi qu’un leurre - cf « En finir avec le fondamentalisme » (1)

20070902

Il y a six ans, une première tour s'effondre

Ahmed Chah Massoud est tombé le 9 septembre 2001. Une première victime vite oubliée sous le choc des attaques portées deux jours plus tard au coeur de l'hyperpuissance américaine. Avec Massoud disparait l'une des plus belles promesses de paix pour l'avenir d'un pays décidément peu épargné par la folie des hommes... et déjà privé de son passé par les mêmes méthodes expéditives (dynamitage des Bouddahs de Bamyan).

Désormais, le seul moyen de déloger les Talibans d'Afghanistan sera d'avoir recours à une puissance étrangère. Oussama ben Laden choisit ses ennemis et à un Musulman modéré et respecté de tous non seulement pour son courage et son humanité, mais aussi pour l'authenticité de sa foi et de l'amour de son pays, il préfère une armée occidentale plus en phase avec l'image qu'il souhaite donner à sa croisade... avec si possible à sa tête un digne héritier des croisés médiévaux les plus fanatiques.

Le 11 septembre 2001, ben Laden lance par voie des airs une invitation au fondamentaliste chrétien récemment porté à la tête des Etats-Unis. George W. Bush répondra au-delà de ses espérances en reprenant le registre de vocabulaire des croisades (1), et en proposant d'étendre leur terrain de jeu commun à de nouveaux horizons : non seulement j'accepte le rôle du Grand Satan, mais en plus je vous aide à faire basculer le monde musulman de votre côté. Et pour optimiser les dégats, je détruis tout espoir de résolution du conflit Israëlo-Palestinien et j'ouvre un nouveau front au coeur du Moyen-Orient ; au meilleur endroit pour attiser les haînes entre Sunnites et Chiites. En échange, vous m'aiderez à faire basculer mon pays sous mon autorité et à terme vers une théocratie plus garante de la pérennité de nos idéologies respectives, vous m'aiderez à faire rayonner ces idées dans un occident qui a depuis trop longtemps oublié les vertus de l'obscurantisme.

Bush ne reculera devant rien pour parvenir à ses fins en Irak : Armes de Désinformation Massive, fabrication de fausses preuves, élimination politique de témoins génants ou à charge (Wilson)... Encore aujourd'hui, une part importante de la population américaine demeure persuadée que Saddam Hussein était impliqué dans les attentats du 11 septembre.

Certes, Dubya a dû se résoudre à donner le change à la communauté internationale en s'occupant en priorité du cas Afghan... mais son aventure en Irak syphonera bien vite la plupart des ressources initialement prévues pour le sauvetage du pays martyr, et depuis le début des hostilités jusqu'à aujourd'hui, son administration n'aura de cesse de torpiller le travail de fond sur le terrain, quitte à saboter le travail de conquête des coeurs par ses "alliés" britanniques en multipliant les bombardements abusifs (2).

"Mission accomplie" pour le président préféré des fondamentalistes US (3) : les Talibans regagnent le terrain perdu en Afghanistan comme au Pakistan, la culture de pavot atteint des sommets records, Karzaï peine à contrôler une zône de la taille d'un timbre poste... et la collection automne-hiver redonne tout son éclat à la burqa bleu ciel.

Profitant de l'apathie de ses concitoyens et des derniers mois qui lui restent à la tête d'un pays supposé démocratie modèle (4), Bush s'apprête à réaliser l'oeuvre de sa vie : le déclenchement d'une guerre embrasant l'ensemble du Moyen-Orient autour de l'Iran et d'Israël et destinée, à en croire les fondamentalistes les plus fanatiques au sein des trois principales religions monothéistes, provoquer le retour du Christ et du Mahdi.

On pourrait en rire. Comme de ces aimables farfelus oeuvrant à la diffusion en Europe des théories néo-créationnistes de l'Intelligent Design. Comme de l'absurdité et de la confondante bêtise des thèses défendues par des intégristes de tous poils.

Mais c'est de survie qu'il est question. De la démocratie et de ses défenseurs. Nous n'avons pas sauvé Massoud au coeur des montagnes afghanes, serons-nous au moins capables d'aider les Mohamed Sifaoui qui risquent leur vie au quotidien au coeur de nos villes (5) ? Au lieu de faire le jeu des fondamentalistes en bâtissant des forteresses et autres murs de démarcation, saurons-nous repenser notre village global pour supprimer les injustices qui font leur lit ?

Les années qui viennent seront décisives. Soit nous parvenons à infléchir le cours imposé par les adversaires de la démocratie en redonnant la voix et le pouvoir aux modérés, soit nous acceptons pour les décennies qui viennent le retour à un ordre médiéval.



(1) "We will rid the world of the evil-doers (...) This crusade, this war on terrorism is going to take a while" - cf conférence du 16 septembre 2001 : www.whitehouse.gov/news/releases/2001/09/20010916-2.html
(2) "British Criticize Air Attacks in Afghan Region" : http://www.nytimes.com/2007/08/09/world/asia/09casualties.html
(3) cf épisodes précédents - "En finir avec le fondamentalisme" et "Universal Declaration of Independence From Fundamentalism"
(4) ... mais pratiquant l'enlèvement illégal de citoyens non-américains sur un sol étranger (ex. dernièrement des Iraniens en Irak ; typiquement le genre d'initiatives de paix dont la région a besoin)
(5) "Ces Musulmans qui disent non à l'Islamisme" mardi dernier sur Arte

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