20090228

Un Leader Pour Ce Millénaire

Aujourd'hui, le monde semble enfin avoir réalisé la nature fondamentale d'une crise trop longtemps déniée, et la nécessité de repenser l'économie sur des bases plus saines. Nous devons accueillir avec soulagement les vifs débats de fond actuels, signes qu'à défaut de corriger le tir, les économistes ont enfin recommencé à s'interroger sur leur coeur de métier (cf "Du free market au fair market").

Mais les risques de crises systémiques encore plus violentes à court terme persistent. Et Obama n'a pas totalement rassuré ses détracteurs sur sa capacité à assumer une tâche chaque jour plus décourageante dans un environnement toujours aussi instable et incertain.

Certes, Barack Obama a triomphé en 2008 sur des qualités reconnues et fortement éprouvées au cours d'une campagne d'exception face à Hillary Clinton puis John McCain*. Sa façon d'appréhender l'effondrement du système financier de l'automne dernier a par ailleurs renforcé la conviction qu'il était le mieux armé pour répondre aux défis de ce jeune siècle.

Mais le jeune président se retrouve aujourd'hui face à un challenge sans commune mesure avec sa brillante campagne électorale : "autant Obama For America relevait de la belle start-up monoproduit, autant Barack se trouve aujourd'hui à la tête d'un conglomérat infiniment diversifié. Avec un casting d'enfer à potentiellement tous les sens du terme" (cf "
Obamatrice").

Pourtant, si Obama devait échouer, je doute que ce soit pour ses qualités de leader. Pour avoir eu le plaisir d'évoluer dans des contextes professionnels extrêmes (environnements ultra innovants et ultra instables, enjeux financiers monstrueux, paysage concurrentiel / coopétitif inextricable, incertitudes maximales, disruptions majeures à tous les niveaux...), je me suis fait ma petite idée sur le profil idéal du dirigeant capable de réussir une révolution en douceur dans ce type de conditions anormales de température et de pression*. Et ce qui me frappe le plus chez Obama, c'est la présence combinée de qualités à la fois rares et essentielles dans cette perspective :

. Un charisme "ouvert" : Obama a conscience de son pouvoir quasi magnétique et sait en user, mais à bon escient. Il se sait capable de mettre ses fans en transe, mais refuse le rôle du gourou infaillible. Son charisme n'aliène pas mais au contraire stimule l'initiative personnelle et collective. Ce leader n'impose pas une foi mais réveille l'espoir et la volonté de penser par soi-même, d'aller vers l'autre et d'échanger. S'il semble rayonner, c'est pour mieux donner à chacun et chacune l'envie et l'énergie de rayonner, chacun et chacune à sa façon, indépendamment de lui.

. Un manager de l'intelligence : mobilisateur d'hommes, d'idées et d'énergie, Obama sait faire en sorte que chacun donne le meilleur de lui-même et que le collectif apporte un effet positif multiplicateur, ce qui est l'essence même du management. Ce Président 2.0 mettra sans nul doute à profit les acquis du Candidat 2.0, en particulier pour démultiplier la dynamique de changement au plus près de chaque comté de l'Union (cf "
Change - Mobilization Has Started"). Mais Obama sait au-delà manager la connaissance et l'intelligence, et fonctionne en réseau au sens ouvert du terme. Sa grande force est moins l'intelligence que la capacité à la stimuler et la mettre au travail, avec en prime la curiosité de toujours vouloir repousser les limites. En d'autres termes : Obama n'est pas nécessairement un génie, mais il a la tête remarquablement bien faite et une sacrée volonté pour l'exploiter au mieux. Ce n'est pas un visionnaire, mais il a la capacité de prendre et de donner du recul, de faire émerger une vision. Comme pour le charisme, il a conscience de ses atouts et de ses limites, et il optimise l'efficacité de la communauté en se tournant vers les autres. Sa décision d'organiser deux fois par mois un cocktail à la Maison Blanche traduit de façon presque caricaturale sa peur panique de tarir la source dans le cocon présidentiel : on voit la logique de privilégier des échanges informels au protocole rigide des dîners placés... mais je doute que le maître des lieux tienne le pari dans la durée.

. Un décideur ferme, un pilote agile : dans ce genre de contexte, beaucoup seraient paralysés par l'enjeu ou les incertitudes. Mais comme le prouve l'accélération de la crise, procrastiner n'est pas une option. Le leader doit donc trancher vite et assumer ses décisions. Obama annonce d'ailleurs la couleur : il sait qu'il fera des erreurs, mais il est essentiel qu'il les repère au plus vite et qu'il tire les enseignements au fil de l'eau pour corriger le tir en permanence et maintenir le cap. Tout cela demande à la fois de la fermeté et de la souplesse, une flexibilité et un pragmatisme en rupture totale avec le dogmatisme obtus de son fondamentaliste de prédécesseur. Mais le plus difficile pour le leader est de faire percoler cette agilité à travers toute l'organisation. Parce que cette organisation est intelligente et apprenante, elle amènera vers de meilleures décisions, génèrera de nouveaux processus et de nouveaux instruments de pilotage sans cesse challengés pour bien suivre et mieux encore, bien anticiper les ruptures dans l'environnement. Parce que le leader assume ses décisions et ses erreurs, cette organisation osera et créera des opportunités tout en faisant front face aux risques.

. Un pédagogue respectueux et respectable : Obama joue la carte de la transparence, s'efforce de rendre simple la complexité, et assure un service avant-vente et un service après-vente de chaque décision bien au-delà de l'obligation contractuelle. On l'a vu échouer dans cet exercice périlleux, mais on le voit surtout essayer avec sincérité parce qu'il respecte sa charge et tous ceux qui seront impactés par ses décisions. "Respect" n'est pas vain mot chez cet homme : Obama respecte son environnement à tous les sens du terme et cela inclut bien au-delà de ses électeurs, ses collaborateurs, ses partenaires, ses concurents et coopétiteurs, l'Histoire, le monde dans toute sa diversité**... Barack Obama a beaucoup de défauts (et il ne serait jamais là où il est sans certains d'entre eux), mais il a une vision du monde saine et fondée sur le respect. Ses valeurs peuvent paraître presque conservatrices sur certains plans, mais les personnes qui comptent le plus pour lui sont des gens biens qu'il respecte pour leur intelligence, leur intégrité, et leur capacité à le remettre à sa place quand il le mérite. S'il est un leader hors normes, il le doit à 100% à Michelle, et à quelques pourcents supplémentaires à David Axelrod. On l'a vu pendant les Primaires face à Clinton puis sur la route de DC face à McCain*** : Obama a tendance à attirer les gentils et repousser les méchants, pendant que ses adversaires, incapables de trouver un angle d'attaque durable, finissent par se tirer une balle dans le pied en sombrant dans le dénigrement le plus stérile.

Bon. Tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, et j'ai toujours quelques sérieux doutes sur le casting (rien à faire, Geithner n'a ni la pointure ni la vision).

Mais quitte à avancer dans le brouillard, je préfère que ce soit avec un bonhomme comme Obama à la barre.

* étant entendu que je ne corresponds bien évidemment pas du tout à ce profil idéal... d'autant plus que, désolé, je prends plus mon pied dans la conception et l'introduction du changement que dans sa mise en oeuvre opérationnelle et sa conduite.
** voir aussi "
True v. False vs Good v. Evil"
*** ex face à Hillary (cf "
Dial Hillary for murder") : "To me it's a question of character and management : Obama sticked to his principles and kept his team focused on the campaign guidelines he set from the start. Good guys tend to follow him. That's the difference between a pack leader and a great leader". ex face à John : "Second débat : le XXIe siècle l'emporte sur le XXe" / "Debate # 2 : XXIst Century wins".

20090220

Obamatrice

Le Plan Obama, premier du nom, est passé. S'il fonctionne entre la moitié et les deux tiers de ses ambitions on pourra parler de succès. L'objectif n'est pas de redresser le pays mais d'adoucir la chute, de réduire le fond du trou à venir, et de donner un minimum de vision sur le moyen-long terme. D'autres plans suivront dans les mois a venir.

Ce premier compromis s'avère sans surprise imparfait. Les grands axes ne se contestent pas, mais chaque détail prête le flanc à la critique. On peut ainsi pinailler sur l’absence d’interconnection entre les futurs réseaux régionaux de trains à grande vitesse, mais c'est typiquement le type d'infrastructures qui manquaient au pays (et en particulier une Californie accro à l'automobile).

Ce que j’attends de voir maintenant, c'est dans quelle mesure le gouvernement Obama va saisir l'occasion pour préparer la voie à un rééquilibrage des pouvoirs, donner le ton pour l'indispensable réforme de la finance internationale (cf "
Du free market au fair market").

Pour le moment, le principal regret porte sur la forme et plus précisément la communication de "l'exploit" : le paquet a tour à tour été sur-vendu et sous-exploité dans une communication indigne de la formidable machine de campagne Obama.

Mais autant Obama For America relevait de la belle start-up monoproduit, autant Barack se trouve aujourd'hui à la tête d'un conglomérat infiniment diversifié. Avec un casting d'enfer à potentiellement tous les sens du terme. Le jeune président n'en conserve pas moins ce qui fait toute sa force : la curiosité et la capacité à tirer les leçons de ses erreurs.

Après ce premier gros coup de gouvernail, il lui faudra maintenant assurer au niveau "fine tuning".

20090209

Le Pape, combien de Révisions ?

L'Allemagne a bien raison de poser des questions à son cher Joseph Ratzinger : à quel vilain jeu Benoît XVI se livre-t-il en réhabilitant les intégristes et en invitant presque Richard Williamson à diffuser son abominable (ré)vision de l'Histoire ?

Je suis tout simplement étonné que l'on s'étonne encore des prétendues erreurs du successeur de Jean-Paul II.

C'était pourtant clair depuis le début (cf "Benoît XVI - I smelled a Ratz"), et son récent passage en France n'a fait que confirmer l'absence totale de doute à ce sujet (cf "
Le mauvais plan de Benoît XVI") : Benoît XVI ne fait aucune erreur et remplit bien au contraire parfaitement sa mission. Simplement, il ne s'agit pas de la mission pour laquelle il a été élu mais de celle qu'il s'est fixée dans le cadre de son "hidden agenda".

Ses actions paraissent aussi suicidaires pour un Pape que celles de George W. Bush pour un Président des Etats-Unis, mais tout aussi cohérentes et pertinentes quand on considère ces individus sous leur vrai jour de dangereux fondamentalistes.

On a vu comment Bush a méthodiquement cherché à affaiblir la démocratie et ses garde-fous, et comment Ratzinger suit la même logique pour l'Eglise. Tout comme Bush, il ne s'attend probablement pas à une restauration de la théocratie de son vivant mais tout comme lui, il cherche à préparer le terrain en réintroduisant la religion dans l'éducation et la science (cf "En finir avec l'Intelligent Design"). L'un rêvait de faire sauter Roe v. Wade, l'autre mine consciencieusement (!) les fondements de Vatican II. L'un comme l'autre prétendent lutter contre le terrorisme et l'obscurantisme tout en faisant clairement leur jeu.

Bush a échoué de peu au bout de ses deux mandats (cf "
The Stolen Election"), Ratzinger sait que le temps lui est aussi compté. Cet homme pressé exsude l'ambition d'en finir au plus vite et cela commence à se voir...

Les Catholiques allemands ne s'y trompent pas, et certains quittent déjà l'Eglise comme un navire en perdition.

Reste à voir si les modérés survivants parviendront à récupérer le gouvernail à temps.

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