20070726

Mondialisation : du "free market" au "fair market"

La mondialisation se caractérise avant tout par la réduction à leur plus simple expression de décalages structurants pour l'économie. Décalages de temps, d'espace, d'information... le secteur le plus habitué à en profiter a logiquement dominé la scène ces derniers temps. Mais la finance pourrait bien connaitre une crise. Non pas une crise financière, mais une crise de la finance en tant que fin en soi.

Le monde de la finance a été le premier à adopter les innovations dans les transports et la communication, et la spéculation repose sur les décalages de temps, d'espace, de connaissance... mais ces outils se sont démocratisés et le nombre de spéculateurs a explosé. La masse des spéculateurs est désormais composée de non-experts, telles ces retraîtées Chinoises se retrouvant autour du thé pour papoter et boursicoter dans les officines florissant dans l'Empire du Milieu. Dans ce nouveau Far East comme partout dans le monde, les niches spéculatives naissent et explosent une à une, et les professionnels ne savent plus vraiment où planter leurs tentes. La perte de pouvoir des bourses traditionnelles ou la ruée vers les private equities reflètent autant la peur de l'irrationnel que le besoin de rematérialiser l'économie... mais même à ce niveau, les frontières explosent et les bulles se créent. Une "élite" d'experts demeure : ce que j'appellerai des "instant players" particulièrement doués pour évoluer dans un contexte aussi instable et que l'on trouve, pour le moment, plus volontiers du côté de la Tamise que de celui du Fleuve Jaune.


C'est particulièrement sensible depuis ces dernières années : il y a trop d'argent gourmand en circulation dans trop de mains pour que la fuite en avant continue bien longtemps. Devant la montée des inquiétudes, le nouveau siècle se cherche des repères à la source des grands théoriciens de l'économie des siècles précédents. La réponse ne viendra naturellement ni d'Adam Smith ni de Karl Marx mais quelque part, pour que l'économie retrouve ses lettres de noblesse, elle doit revoir ses fondamentaux (capital, valeur, moyens et fins...) et chercher plus loin.
Les signaux se multiplient qui nous laissent entrevoir l'émergence d'un consensus sur le diagnostic, du même ordre que celui qui s'est finalement imposé à propos du réchauffement climatique. D'ailleurs, l'économie au sens large n'entend-elle pas notre environnement, les impacts de notre activité, différents écosystèmes... et n'a-t-elle pas besoin de diversité pour survivre ?

Comme pour l'écologie, les avancées les plus sensibles seront probablement réalisées par les convertis les plus récents, ceux qui auront le plus longtemps résisté aux évidences dans l'espoir de conserver leurs privilèges alors qu'au contraire, c'est en embrassant le changement qu'ils gagneront sur le long terme. La plupart des mouvements dénonçant la mondialisation se contentent d'être "anti" sans proposer de solution, et la plupart des "alter-mondialistes" se contentent de recommander la fin de l'économie et donc de l'homme, ce parasite global qui aura la peau de la terre avant d'avoir déniché un autre point de chute.

Le consensus émergera sur des bases plus pragmatiques ; une économie de marché ouverte mais régulée et fondée sur le respect. Un "fair market" plus qu'un "free market". Un marché global parce que la globalisation nécessite de passer à une approche globale de notre écosystème tout entier.

Nous sommes encore loin du compte. Et dans cette période de transition où l'ultra libéralisme est montré du doigt, c'est le protectionnisme qui fait son grand retour, bien au-delà de ce qui est nécessaire (car certains pays, parmi les plus faibles, ont bien besoin d'une forme de protection), et parfois sous des formes assez subtiles. Ainsi, sous couvert de promouvoir le libre échange sur l'ensemble du globe, l'Administration Bush mène une politique multi-bilatérale centrée sur elle-même, torpillant systématiquement toute approche multilatérale : sur le même mode que "moins d'ONU, plus de Coalition of the Willing", "moins de Genève, plus d'Abu Ghraib" ou "moins de Kyoto, plus de forages en Alaska", on a donc droit à du "moins de WTO / OMC, plus de FTAs". Ces Accords de Libre Echange (Free Trade Agreements) sont en réalité asymétriques, bardés d'exceptions et protectionnistes par nature. Ils peuvent sembler bénéfiques aux Etats-Unis mais uniquement sur le court terme, et uniquement pour ceux que Bush appelait sa "base" de "Haves and Have-mores".

Paradoxalement, cette stratégie reflète une négation de la globalisation au sens où elle signifie le refus d'une approche globale de la globalisation.

Pour faire le parallèle avec les crises déchirant actuellement les grandes religions monothéistes, le plus sage n'est pas de renforcer les extrémistes de chaque camp en entrant dans leur petit jeu de guerre des civilisations, mais bien de travailler par-delà les frontières sur ce qui rapproche, avec respect et en étant prêt à faire des concessions pour éradiquer ensemble les injustices les plus fondamentales.

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