Une présidence en travaux
En cette année d'élection présidentielle, l'ancien maire de la capitale tremble pour la trace qu'il laissera dans l'Histoire. Les casserolles qu'il traîne depuis des années tintent sérieusement et la justice a décidé d'aller jusqu'au bout.
Mais les procureurs viennent de lever toutes les charges contre lui dans l'affaire BBK, et LEE Myung-bak se voit donc ouvrir un boulevard pour les élections présidentielles du 19 décembre prochain.
Quand il est question de tracer des boulevards, cet ambitieux bâtisseur n'est décidément jamais bien loin. Aux manettes de la filiale construction de Hyundai, LEE avait déjà contribué à redessiner la Corée du Sud et le Moyen-Orient, mais son passage à la mairie de Séoul aura laissé une empreinte digne du préfet Haussmann : restauration spectaculaire du cours d'eau Cheonggyecheon au coeur de la ville à la place d'un disgrâcieux autopont de béton, création d'un parc géant peuplé de biches, revitalisation des transports terrestres par la création de couloirs de bus... personne n'ignore ses faits d'armes dans un pays pourtant habitué à voir le paysage recomposé par les bulldozers et les grues à longueur d'année.
Certes, on peut difficilement réussir dans la construction et la politique en Corée sans se salir les mains. Et le grand public n'est pas vraiment dupe des faveurs accordées au candidat conservateur par une justice elle-même sous le feu des projecteurs après les révélations de KIM Yong-chul sur les liaisons dangereuses entre le principal chaebol et les principaux membres de l'appareil judiciaire du pays. Mais le peuple redoute une nouvelle crise asiatique et l'explosion de la bulle immobilière, au coeur de ses préoccupations. Sans oublier l'impact que pourraient avoir les enquêtes sur les grands chaebols sur l'économie et les exportations, cet autre moteur de la croissance... Enfin, le pays n'a plus à craindre pour sa démocratie, et tant qu'il n'a droit qu'à un mandat, le président ne présente plus beaucoup de dangers, alors... pourri pour pourri, va pour un profil CEO pour les cinq années qui viennent.
Citizen LEE vient donc de passer un nouvel obstacle sur sa route vers la Maison Bleue. Il avait déjà éliminé PARK Geun-hye, fille de l'ancien dictateur PARK Chung-hee, lors des primaires du Grand National Party (GNP), et son absolution signifie probablement la fin des espoirs de LEE Hoi-chang dans sa troisième campagne présidentielle.
Mais ce conservateur né de l'autre côté de la DMZ ne lâchera pas comme ça l'ambition de toute une vie : victime de la crise asiatique face à KIM Dae-jung en 1997 puis de la poussée des netizens en faveur de ROH Moo-hyun en 2002, retiré de la politique et accusé de corruption, dissuadé de se présenter par un GNP privé de pouvoir depuis 10 ans, LEE Hoi-chang avait cette fois-ci tout misé sur les déboires judiciaires du candidat officiel du parti. Les sondages lui donnaient presque raison : en moins d'un mois, il rafflait 20% d'intentions de vote en faisant chuter de 10 points les deux leaders (LEE Myung-bak de 51.9 à 39.8% et CHUNG Dong-young de 20.2 à 10.5% entre le 16/10 et le 7/11). Mais bien avant le verdict du 5 décembre, le soufflé avait déjà commencé à retomber de 3 points.
Le troisième homme conserve-t-il une chance ? CHUNG Dong-young n'a clairement pas l'aura de ROH. Son parcours manque de profondeur et d'engagement. Ancien journaliste TV et Ministre de la Réunification, il a pris les commandes du parti Uri du président sortant au moment où les deux implosaient, l'a rebaptisé United New Democratic Party (UNDP) et s'en est servi de rampe de lancement pour sa candidature. Pas de quoi mobiliser les foules, y compris dans son Jeollanam-do natal. CHUNG plafonne à 13% et ce ne sont pas les 6-8% de MOON Kook-hyun qui changeront profondément la donne (le candidat du Creative Korea Party suggère une primaire "de gauche" avant le 16/12).
Au-delà du vainqueur, on surveillera le taux d'abstention. Le nombre record de candidats (les 12 ci-dessous) favorise la dillution, mais cette présidentielle risque de ne pas motiver des électeurs toujours plus désabusés par la chose publique. L'espoir fantastique né de l'élection de ROH Moo-hyun a été déçu : les projets de réformes ont souffert de sa soif d'indépendance, et cet ancien modèle de vertu a comme les autres profité du système corrompu gangrénant le milieu politique.
L'heure est peut-être venue de restaurer une partie de la dignité des présidents. Les garde-fous de la démocratie ont prouvé leur efficacité et le retour de la dictature semble impossible. Pourquoi ne pas autoriser deux mandats au lieu d'un seul, pourquoi ne pas instaurer deux tours de scrutin pour assainir les stratégies d'alliance de dernière heure ? Au futur élu de proposer cette réforme pour ses successeurs. Si rien ne bouge, les netizens risquent de se replier sur leurs terres virtuelles.
Les 12 candidats :
1 - CHUNG Dong-young (United New Democratic Party - UNDP)
2 - LEE Myung-bak (Grand National Party - GNP)
3 - KWON Young-gil (Democratic Labor Party)
4 - RHEE In-je (Democratic Party)
5 - SIM Dae-pyong (People First Party) - a quitté la course
6 - MOON Kook-hyun (Creative Korea Party)
7 - JEONG Geun-mo (True Owner Coalition)
8 - HEO Gyeong-yeong (Republican Party)
9 - JEON Gwan (Chamsaram Society True Full Act)
10 - GEUM Min (Korea Socialist Party)
11 - LEE Soo-sung (People's Coalition for Harmony and Advance)
12 - LEE Hoi-chang (Indépendant)
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Stephane