En réponse aux réactions à l'article "Le Japon décide de recoloniser Dokdo" (20080714)
Si l'on compare les deux principales attaques portées actuellement à l'histoire et la culture coréennes, elles ne sont pas du même ordre :
- La démarche de Beijing est à la source politique et culturelle, avec des enjeux économiques majeurs, mais secondaires. Vu de la Chine, il n'existe qu'un pays. Tout ce qui est autour a été un jour, est et/ou fera à nouveau un avec l'Empire du Milieu. Les Coréens assument parfaitement leur héritage culturel chinois mais pas la tentative d'anschluss actuelle de la civilisation koguryo, qui se fonde sur une armée d'"historiens" chargés de réécrire l'histoire*.
- Pour les ultranationalistes japonais, c'est avant tout une question de race, de supériorité et d'antériorité. On peut parler d'une forme de fondamentalisme à ce titre tant cela impacte la vision qu'ils cherchent à imposer à leur pays, à la région, et même au monde (ils viennent obtenir de la Librairie du Congrès US que toutes les références à "Dokdo", "l'Ile de Tok" ou autres soient remplacées par "Iles de la Mer du Japon**" ou au pire "Liancourt" et que "Takeshima" fasse son apparition). La question de l'antériorité les a même poussés à forger de fausses preuves archéologiques pour prouver l'antériorité d'une civilisation mythique sur l'archipel (cf scandales il y a qq années). Toute référence à l'héritage coréen dans la culture japonaise est éradiqué. C'est l'une des raisons pour lesquelles ils ont détruit une grande partie de leurs édifices bouddhiques au Japon, et des temples antérieurs aux leurs en Corée, et cela depuis des siècles, sans attendre la phase impérialiste du XXe siècle. Il fut un temps où la Corée était beaucoup plus avancée que le Japon et dépêchait des missions culturelles pour aider son voisin à se développer. Beaucoup d'éléments de la culture nippone ont une origine coréenne (ex le kimono, le maki-sushi) et c'est proprement insupportable pour ces fanatiques.
La culture coréenne a été bannie sous l'occupation nippone. Les coréens ont été forcés à changer de nom, à ne plus apprendre leur langue... et en représailles les importations de biens culturels nippons ont été longtemps restreintes après la guerre. Les générations anciennes conservent un ressentiment de victimes mais il n'y a pas de racisme sous latent, et un respect de la supériorité économique du voisin.
La jeunesse nippone, qui n'a bien sûr aucune idée de ce qui se trame dans son dos, a totalement craqué pour la vague coréenne (hallyu) des soap opéras lamentables (grosse source à l'export pour la Corée) et beaucoup d'ados se sont mis à apprendre le Coréen. Cela n'a pas vraiment calmé les ardeurs des néofascistes, bien au contraire. C'est aussi pourquoi ils misent tant sur l'éducation des générations futures et le contenu des livres d'histoire.
C'est un moment clef pour le Japon : soit il leur résiste et prend le temps de faire le point sur son passé (sans tabou mais dans la serenite) soit il se laisse faire et sombre durablement dans les griffes des bellicistes.
* cf "Koguryo / Goguryo : halte à l'anschluss culturel chinois"
** à la remarque "Mer du Japon" n'a pas remplacé "Mer de Corée" mais "Mer de l'Est", je réponds que vu des ultranationalistes Japonais, les deux derniers se valent: si une mer a été baptisée "Mer de l’Est", ce n’est évidemment pas par le pays dont elle vient lêcher la côte Ouest ! La cartographie joue un rôle essentiel dans les débats sur Dokdo, et à ce petit jeu, les ultranationalistes nippons ne peuvent pas gagner. A moins d’effacer les preuves ou de les modifier (c’est pour cela qu’ils viennent d’obtenir de la Librairie du Congrès US une modification du système de référencement. Exit "Dokdo", bienvenue aux "Iles de la Mer du Japon").